Déclinaison de la lumière

Les toiles récentes de Piller ressemblent à des méditations lyriques en couleur.

Leur dynamisme intrinsèque, perceptible au-delà du coup de pinceau vigoureux, n’évoque pas un état contemplatif, mais plutôt un processus. Pour le dire en termes philosophiques, ils inspirent moins un être qu’un devenir.

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La nature est dissoute dans un lyrisme coloré où domine la couleur jaune déclinée dans toutes ses variantes. C’est ce jaune lumineux qui insuffle la vie à ces toiles. La sonorité des couleurs et la rythmique des formes, leur composition mouvante et dynamique rappellent l’art de l’improvisation musicale. Ainsi naissent sans encombre des images, toutes différentes les unes des autres. Aucune n’est soumise à une règle car chacune dicte la sienne.

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La nature constitue le sujet de ses tableaux, mais sous une forme absolument imaginaire, et en rien imitative. La nature est sublimée par la force autonome de l’œuvre qui se substitue en quelque sorte à elle. La créativité de la nature est quasiment révélée par la créativité exprimée par l’œuvre. Le tableau n’est plus un simple espace de représentation, il devient ainsi le lieu d’un événement visuel, de la révélation d’une présence, une épiphanie.

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Beaucoup de tableaux suggèrent  les contours d’une fenêtre dont le cadre ne peut contenir l’élan des taches colorées. La fenêtre est un motif courant dans la tradition picturale. Elle est ouverture sur le dehors et source de lumière. Cet échange entre l’intérieur et l’extérieur est primordial pour sa valeur symbolique. Chez Piller, les contours de l’ouverture sont soulignés par quelques traits colorés qui renforcent l’impression d’un intérieur envahi par un extérieur débordant, comme si les deux mondes du dehors et du dedans confluaient et fusionnaient en un tout.

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Les tableaux ouvrent le rideau sur un monde intérieur qui ne peut être dévoilé que par l’art et qui est invisible pour le regard commun. Ainsi, ils deviennent les symboles visibles de quelque chose d’invisible. C’est dans ce paradoxe que réside leur qualité ontologique.

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La peinture de Piller doit en quelque sorte sa singularité à son œil innocent. Son art nous fait plonger dans le monde originel, au lever du premier jour, comme si nous devions redécouvrir les premiers temps. Mais sa peinture est loin d’être celle d’un regard d’enfant ; elle est le fruit du regard d’un artiste très sensible.

On ne peut considérer ses œuvres comme l’expression d’un art euphémique et dépourvu d’aspects contradictoires. La recherche intense de sources lumineuses par des couleurs claires et vibrantes nous fait penser au même moment à leur absence comme si elle provoquait son contraire par un effet dialectique. Ce qui apparaît dans la forme est en même temps le signe de son absence substantielle.


(Extraits de l’essai Die Deklination des Lichts de H. Blaser, adapté en francais par M. Jean-Paul Scot, Paris)

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